Tous les trimestres, Edouard Carmignac prend la plume pour commenter les enjeux économiques, politiques et sociaux du moment.
Madame, Monsieur,
La plupart des indices boursiers sont dans le rouge depuis le début de l’année. Et pourtant… Pourtant 2018 avait débuté en fanfare, la confiance des investisseurs étant soutenue par de bons indicateurs de croissance mondiale, des prévisions bénéficiaires révisées à la hausse, tandis que la liquidité globale semblait devoir rester abondante, tant les anticipations inflationnistes étaient modérées.
Que s’est-il donc passé ? Les investisseurs ont « redécouvert » Ubu Trump dont les foucades, un moment bridées par une équipe gouvernementale de qualité, ont commencé à déstabiliser les marchés. Tour à tour, le déficit fiscal à l’horizon fin d’année prochaine devrait doubler (5 % du PNB !), à la suite d’un programme ambitieux de dépenses militaires faisant suite à un vaste programme de cadeaux fiscaux ; une campagne d’intimidation commerciale a été lancée principalement envers la Chine ; et la Silicon Valley, au travers d’Amazon, est devenue le bouc émissaire d’une croissance de l’activité jugée insuffisante.
Quelle portée accorder à ce surcroît d’instabilité ? La mise en place d’une réforme fiscale non financée et, qui plus est, au plus haut du cycle économique est certes préoccupante. Le financement de la dette excédentaire à émettre pourrait cependant ne pas provoquer une hausse marquée des taux d’intérêt si, comme nous l’anticipons, l’affaiblissement de l’activité, un moment différé par le creusement du déficit public, venait à s’affirmer. Nous croyons encore moins à une guerre commerciale avec la Chine, tant les deux économies sont interdépendantes que ce soit au niveau des échanges commerciaux, ou du financement de la dette américaine, sans oublier le rôle clé de la Chine dans l’enjeu géostratégique nord-coréen. Quant à l’émission de tweets rageurs contre la Silicon Valley, si elle n’est pas près de s’interrompre, elle demeurera peu dommageable envers les principaux détenteurs de l’intelligence artificielle.
Si elles ne doivent pas être surestimées, ces incertitudes modifient-elles notre stratégie d’investissement ? Pas sensiblement. Le discrédit croissant de l’administration Trump, conjugué à la décélération graduelle de l’économie américaine, doit accentuer la faiblesse du billet vert. Dans ces conditions, nous continuerons à nous détourner des actions européennes vulnérables à la fois à la poursuite de la baisse du dollar et à l’infléchissement d’activité annoncé par nombre d’indicateurs avancés. A contrario, la réduction des tensions sur les taux américains doit encore favoriser les actions US à bonne visibilité – dont les valeurs de technologie – et l’univers émergent dans son ensemble, porté par la robustesse de l’économie chinoise. Quant aux valeurs pétrolières, elles devraient continuer à être soutenues par la perspective d’une reconduction de l’accord de l’Opep au-delà de la fin de l’année.
Aussi la volatilité actuelle des marchés ne nous conduit pas à infléchir significativement nos positions. Pour inconfortable qu’elle soit, pour vous comme pour notre équipe de gestion, cette instabilité génère des situations de surréaction dont il nous appartient de tirer parti, que ce soit en matière de gestion des risques ou en termes d’opportunités d’achat.
Dans cette perspective somme toute relativement sereine, je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma considération choisie.