Élections américaines 2024 : La fin de l’exceptionnalisme américain

Publié le
1 novembre 2024
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Raphaël Gallardo, chef économiste de Carmignac, et Kevin Thozet, membre du comité d’investissement, analysent l’impact que pourraient avoir les résultats de la présidentielle américaine sur l’économie, les marchés et l’allocation d’actifs.

  • L’élection se déroule dans un contexte financier plus fragile que ne le laissent supposer les performances récentes de l’économie américaine.
  • Une victoire totale des Républicains serait inflationniste et aggraverait dangereusement le déficit public. Les rendements obligataires augmenteraient fortement.
  • Au contraire, en cas de victoire totale des Démocrates, Harris financerait son agenda social et dirigiste par une forte hausse de la fiscalité du capital, fragilisant ainsi un marché actions déjà onéreux.
  • Un gouvernement divisé offrirait un rempart face au populisme prôné par les deux camps, au grand soulagement des marchés.

L’economie, enjeu paradoxal de l’election

Raphaël Gallardo

Les États-Unis ont connu une reprise postpandémique vigoureuse, surpassant toutes les grandes économies développées. Cependant, cette expansion commence à ralentir. Les effets des plans massifs de soutien à l'économie pendant l'ère Covid s'estompent. Un dollar fort pénalise le secteur industriel, car les produits américains deviennent plus chers à l'étranger, ce qui réduit les exportations. De plus, les taux d'intérêt élevés rendent les emprunts plus coûteux, ce qui pèse sur la demande dans des secteurs comme la construction et l'immobilier. Bien que les consommateurs continuent de soutenir la croissance, ce dynamisme repose de plus en plus sur les ménages aisés, capables de tirer parti des gains boursiers. La poursuite de la croissance dépend donc de la capacité du marché actions, déjà cher, à générer des plus-values constantes.

Par ailleurs, le vieillissement de la population, l'élargissement des filets de protection sociale et les subventions à la transition énergétique ont creusé le déficit budgétaire américain à un niveau inédit en dehors des périodes de récession, guerre ou pandémie. Malgré huit années de surperformance économique et boursière, la frustration des électeurs face à leur situation financière a poussé les principaux candidats à adopter des politiques populistes. La future administration héritera d'une économie plus fragile que ne le laissent supposer ses performances récentes. L'irruption du populisme dans le discours politique pourrait, en cas de gouvernement unifié, forcer les marchés à reconsidérer les perspectives à long terme de l'économie américaine, risquant de provoquer une réaction excessive pour inciter les gouvernants à la prudence. Cette élection pourrait bien marquer la fin de l'exceptionnalisme américain et changer fondamentalement les moteurs de son économie.

Compte tenu de la forte probabilité que le Sénat passe aux mains des républicains et que le vainqueur de la Maison Blanche remporte la Chambre des représentants, nous avons réduit l’éventail des possibilités à quatre scénarios.

Implications économiques (Raphaël Gallardo)

Le programme de Donald Trump promet des baisses d’impôts massives pour les entreprises et les ménages, un choc protectionniste inédit, une dérégulation à grande échelle (Elon Musk promis au rôle de « Secrétaire à la dérégulation »), la promotion des énergies fossiles domestiques et l’expulsion massive d’immigrants illégaux.

Alors que la dérégulation, la promotion de l’extraction pétrolière et les baisses d’impôts sur les sociétés sont typiquement des mesures visant à stimuler la croissance, nous estimons que leur impact serait contrebalancé par les effets récessifs et inflationnistes causés par des tarifs douaniers prohibitifs et une expulsion massive de travailleurs migrants.

Même avec une application partielle de ces promesses, la croissance ne devrait guère dépasser sa tendance récente de 2 %, car l'économie américaine fonctionne déjà à plein régime. Dans ce scénario, l'inflation pourrait augmenter de 1,1 % et le déficit budgétaire atteindre 10 %. Ce scénario obligerait la Banque centrale des États-Unis à interrompre son programme de réduction des taux, voire à les augmenter d'ici la fin de l'année.

La hausse des taux entraînera un afflux de capitaux étrangers à la recherche de rendements plus élevés, permettant au dollar de s’apprécier. Cependant, cette flambée du dollar pourrait exaspérer un président mercantiliste et entraîner une révocation prématurée du président de la Banque centrale américaine au profit d’une personne politiquement accommodante. Cette décision pourrait effrayer les investisseurs étrangers, entraînant un affaiblissement du dollar.

À terme, la fuite des capitaux étrangers pourrait inverser les effets de richesse qui ont soutenu l'économie américaine ces dernières années

Implications pour les marchés (Kevin Thozet)

Le programme de Trump pourrait prolonger la tendance haussière des marchés actions et le cycle économique jusqu'en 2025. Cependant, il pourrait également entraîner une politique de taux plus élevés qui pèsera sur le système financier mondial.

Effets positifs

  • La dérégulation et les baisses d'impôts sur les sociétés seront bénéfiques aux petites et moyennes capitalisations et au secteur financier.
  • Les mesures protectionnistes seront favorables aux sociétés industrielles.
  • La priorité donnée à la production nationale d’énergie fossile portera tout le secteur pétrolier et gazier.

Effets négatifs

  • Les tensions commerciales avec la Chine pourraient nuire aux chaînes d'approvisionnement des entreprises technologiques globalisées.
  • La remontée des taux affectera les emprunts de long terme ainsi que les secteurs défensifs (santé, consommation de base) dont les valorisations sont actuellement élevées.
  • Si le dollar s'affaiblissait en raison des sorties de capitaux, cela pourrait aller de pair avec une baisse des actions américaines.

Implications économiques (Raphaël Gallardo)

Kamala Harris propose un programme de redistribution sociale avec des réductions d'impôts et des dépenses sociales pour la classe moyenne, financées par des hausses d'impôts sur les entreprises et les ménages aisés. Si les démocrates obtiennent une majorité au Congrès, Harris pourrait faire passer ces mesures, même sans une super-majorité au Sénat.

Même si le lobbying et la réticence des démocrates modérés pourraient affaiblir ce plan, le principal obstacle serait la perspective d’un forte baisse des résultats des entreprises américaines, et par conséquent du marché actions américain. La bonne santé de ce dernier a été le principal moteur de croissance de la consommation des ménages. Sa détérioration brutale aggraverait le ralentissement de l’économie. La Banque centrale américaine pourrait alors devoir baisser les taux d'intérêt pour soutenir son économie.

Implications pour les marchés (Kevin Thozet)

Le programme démocrate de coupes dans des dépenses « non-obligatoires », comme la défense, et les hausses d'impôts sur les entreprises (de 21% à 28%) pourraient réduire les bénéfices des entreprises et le rendement du capital investi ; pesant ainsi sur la valorisation des marchés actions et du dollar.

Nous prévoyons une baisse de 6 % des bénéfices en 2025 en raison de l'augmentation de l'impôt sur les sociétés. A noter que celle-ci place les États-Unis au même niveau que des pays comme les Pays-Bas, le Canada ou la France.

La politique de Harris pourrait stimuler les dépenses des ménages à revenus modestes, tandis que les ménages aisés seraient négativement affectés. Les secteurs proposant des biens de consommation à bas prix pourraient en bénéficier, contrairement aux segments haut de gamme. Le secteur de la consommation de base devrait surperformer en période d'incertitude boursière.

Le secteur immobilier bénéficierait des plans de construction de logements supplémentaires et d'aide aux primo-accédants. Les secteurs de la santé et des énergies renouvelables pourraient également prospérer grâce aux politiques favorisant l'accès aux soins et la lutte contre le changement climatique.

Sur les marchés de taux, une certaine "responsabilité budgétaire", des hausses d'impôts et un risque de récession pourraient maintenir les rendements sur les emprunts d’Etat dans des limites acceptables. Cependant, après une phase transitoire de hausse des taux, les retombées négatives de la baisse des marchés d’actions et de la confiance des consommateurs viendraient peser sur ces mêmes rendements.

Implications économiques - Président républicain, Sénat républicain, Chambre démocrate (Raphaël Gallardo)

Même sans contrôler la Chambre des représentants, Donald Trump pourrait encore imposer des droits de douane, fermer les frontières, réaffecter des fonds fédéraux pour des expulsions, et déréglementer l'économie par décrets ou nominations de juges favorables aux affaires. Cependant, il ne pourrait pas réduire tous les impôts comme promis. Les démocrates pourraient accepter de reconduire certaines réductions d'impôts pour les classes moyennes, mais d'autres avantages fiscaux disparaîtront en 2025, ce qui amènera à un resserrement budgétaire significatif.

Dans l’ensemble, cette situation entraînerait un environment stagflationniste, avec une baisse de la croissance économique et une augmentation des prix. Face à ce scénario, Trump pourrait être amené à modérer certaines de ses politiques. Cependant, les marchés financiers continueraient de souffrir des incertitudes économiques.

Implications économiques - Président démocrate, Sénat républicain, Chambre démocrate (Raphaël Gallardo)

Le programme de Kamala Harris repose sur des politiques de redistribution. Cependant, sans le contrôle des deux chambres, son projet ne pourrait pas avancer. Si les démocrates contrôlent au moins une chambre, ils pourraient négocier le renouvellement des réductions d’impôts de 2017 contre une augmentation des dépenses sociales.

Ce scénario améliorerait la situation budgétaire d'ici la fin de l'année et aiderait à une transition économique en douceur, avec le soutien de la Banque centrale américaine qui poursuivrait sa trajectoire de baisse des taux.

Implications pour les marchés (Kevin Thozet)

Les gouvernements divisés ont, par le passé, été associés à une volatilité contenue et de bonnes performances des marchés. Une cohabitation impliquerait des concessions budgétaires positives, freinant les mesures populistes des deux candidats. Les marchés préfèrent la stabilité à l'incertitude. Sous Trump, des décrets pourraient adopter des mesures inflationnistes, mais sans contrôle total, les politiques favorables à la croissance seraient limitées. Quel que soit le vainqueur, une paralysie du Congrès pourrait paradoxalement créer un environnement de marché favorable début 2025, avec une injection de liquidités et un soutien économique de la Banque Centrale américaine sans pressions inflationnistes.

Les secteurs et les valeurs de croissance moins dépendants du cycle économique seront les plus prisés. En revanche, ceux dépendants des dépenses publiques ou de la confiance des ménages, comme les services financiers, seront à la traîne, sauf pour les infrastructures qui pourraient bénéficier d'accords bipartisans.

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